Les avis d'une libraire-lectrice

J'ai la prétention de dire que je lis, en moyenne, 4 romans par semaine. A travers ce blog, vous pourrez vérifier si je n'exagère pas car je vais y mettre tout ce que je lis : romans, albums jeunesse, BD,... Dévoré, apprécié ou vite abandonné, chaque livre fera l'objet d'un petit commentaire.

samedi 30 juillet 2011

Parano, J.L.Jensen, Intervalles


D'un bleu très bleu, ce premier - deuxième ? - roman d'un Danois adopté du Canada décrit, sûr de son titre, la montée de paranoïa d'un écrivain (prénommé...Jan) lorsqu'il voit, à la fois heureux et pris de panique, son premier livre accepté par une maison de renom.
Si le premier chapitre, consacré à l'admission en hôpital psychiatrique, tarde à mettre les choses en place, on assiste à la mise en oeuvre précisément orchestrée d'un scénario délirant.
Jensen écrit avec la précision de celui qui connaît son sujet, au point où la question de son implication autobiographique se pose tout au long de ce parcours psychopathologique, net dans le complexe, avec un humour parfois désopilant et une maîtrise exempte d'excès.
Si c'est un premier roman, chapeau ! Si c'est un deuxième aussi !

Les yeux bleus de Mistassini, J.Poulin, Actes Sud


J'ai entamé ce livre comme une récompense après des efforts réitérés pour venir à bout de Féroces qui n'arrive pas à la cheville de la poésie simple, prenanteet exquise de J.Poulin.
Dans ce court, l'auteur se met partiellement en scène, sous les traits de Jack Waterman, écrivain et libraire dans le beau Vieux-Québec, affecté par la "maladie d'Eisenhower".
Certains pourraient trouver naïve la prose de Poulin. C'est qu'ils confondent candeur et simplicité. Ce livre est d'une beauté imposante, inconditionnelle.

Les animaux de compagnie, B.Olafsson, Actes Sud


L'Islandais B.Olafsson signe chez Actes Sud un deuxième roman épatant, tardivement traduit en français, sorte de huis clos - outrageusement clos du point de vue du héros -, qu'on transposerait volontiers sur une scène, bâti autour d'une idée simplissime qu'il porte à bout de bras et avec un plaisir communicatif jusqu'à la finale d'un livre qui tient en haleine passé la dernière page.
Dans un style à la langue maîtrisée et aux phrases directes, l'ex-bassiste des Sugarcubes (mais si, le groupe de Björk) raconte le retour d'Emil Haldorsson, trentenaire séparé de la mère de sa petite fille, plus ou moins en couple avec Vigdis, de Londres où il s'est acheté, avec l'argent gagné à la loterie, 36 CDs et un certain nombre de livres.
Cocasse et passionnant.

Rosa candida, A.A.Olafsdottir, Zulma


Tant la poésie que la simplicité précise de l'expression caractérisent le récit de cette auteure islandaise, au style apaisant et sans apprêt.
Sa mère morte dans un accident de voiture, Arnljotur quitte son vieux père et son jumeau autiste, muni de deux boutures d'une variété rare de Rosa Candida à huit pétales. Il s'en va proposer ses services dans une ancienne roseraie sur le continent, (mal) tenue par des moines vieillissants, dont le frère Thomas, polyglotte et cinéphile.
Meilleur que tous les anxiolytiques du monde. Et tellement mieux écrit !

Purge, S.Oksanen, Stock


Extraordinaire. Au sens premier, propre et plein. Purge rélève une maîtrise scénaristique et stylistique réellement impressionnante.
Mi-finnoise, mi-estonienne, S.Oksanen trace, sur près d'un demi-siècle, l'histoire d'Aliide qui, littéralement menée par son amour pour Hans, mettra tout en oeuvre, de l'admirable à l'épouvantable, pour obtenir, fût-ce un regard de celui qui n'a d'yeux que pour Ingel.
Quel amas de frustration et d'aigreur que la vie d'Aliide - bientôt Truu - à la poursuite éperdue d'un Graal constamment sous son nez et irrémédiablement hors de sa portée.
Oksanen dépeint une Estonie dépossédée, soumise en alternance aux communistes, aux fascistes, aux communistes, confrontée finalement à l'ouverture, la restitution des terres, aux litanies vengeresses, à une liberté, étrange voire étrangère.
Je cède rarement à l'enthousiasme reconstruit de la quatrième de couverture. Je ferai une exception pour ce roman, avec Nancy Huston : "J'espère que tous les lecteurs du monde, les vrais, liront Purge".

Petite soeur, mon amour, J.C.Oates, P.Rey


On retrouve dans ce roman tout le souffle dont est capable J.C.Oates, avec ses défauts et ses qualités, parfois emphatique, toujours maîtrisé.
Cette "histoire intime de Skyler Rampike" raconte un fait divers - l'assassinat le soir de Noël 1996 d'une mini-Miss de 6 ans -, sa genèse - l'effarante ascension d'une championne de patinage sur glace, poussée par une mère plus préoccupée des apparences (et de se faire apprécier par cette bourgeoisie dédaigneuse qui l'entoure) que du développement harmonieux de ses enfants -, vu par son frère, de trois ans plus âgé, psychotisé et/Ou psychotropé depuis ce meurtre mystérieux. Il y a du "On achève bien les chevaux" dans l'acharnement de cette mère insatiable, poussant sa fille au-delà de toute limite.
Récit dur et hypnotisant où règnent vanité, angoisse et avidité de reconnaissance superficielle, souffrant de quelques redondances mais au corps plein et inflexible.

Un autre monde, B.Kingsolver, Rivages


Bien sûr on peut reprocher à B.Kingsolver un penchant pour la saga consensuelle et la larmichette à l'oeil mais - admettons que cela soit Ma petite maison dans la prairie à moi - j'ai depuis longtemps un faible pour les histoires souvent émouvantes, toujours attachantes de cette biologiste américaine est capable de mettre en (nombreux) mots.
Dans Un autre monde, l'auteure se centre sur la vie peu banale de Harrison William Sheperd, fils d'un fonctionnaire américain et d'une mère mexicaine, ramené par celle-ci au pays natal, où il travaillera bientôt pour Diego Riviera, muraliste renommé.
Réalité et fiction s'entremêlent étroitement dans le roman, où l'on pénètre dans l'intimité de Frida Kahlo ou de Lev Trostky, à des moments cruciaux de leur vie. De retour aux Etats-Unis, Sheperd fera la connaissance avec l'Amérique paranoïaque de McCarthy.
Délassant et de qualité.

Féroces, R.Goolrick, A.Carrière


"Mon père est mort parce qu'il buvait trop. Six ans auparavant, ma mère était morte parce qu'elle buvait trop. Ul fut un temps où moi-même je buvais trop. Les chiens ne font pas des chats".
J'avais été alléché par ces premiers mots de ce premier roman de R.Goolrick dont je n'avais jamais entendu parler - mais dont on semblait tout à coup parler beaucoup. Trop ? Probablement. Car Féroces ne tient pas ses promesses. Question d'ambition, sans doute. Question de trait, aussi. De trait forcé.
Goolrick en fait trop, dessert son propos, tue à la sortie de l'oeuf un roman au sujet pourtant prometteur : la bonne société de Virginie dans les années cinquante, où la sophistication de la coiffure le dispute à celle du cocktail, où l'importance de l'apparence mine de l'intérieur couple, enfants, santé, famille.

Comment le cerveau crée notre univers mental, C.Frith, O.Jacob


Cet essai, dû au clavier d'un des grands spécialistes des neurosciences, fait le point, avec une singulière clarté et un humour très british, sur la façon dont notre cerveau se débrouille, avec force ingéniosité et approximations, pour créer et entretenir notre monde mental.
C.Frith nous explique, se référant à nombre d'expérimentations scientifiques récentes, comment notre cerveau déforme, crée, génère de fausses informations et façonne notre esprit.
Il investigue également comment nos outils deviennent une extension de notre corps, comment les mouvements peuvent révéler les intentions ou encore comment nous procédons par essais/erreurs.
Enfin, et en chemin, il ébauche, sur base de la connaissance grandissante - et au potentiel énorme - du fonctionnement neuronal, quelques hypothèses passionnantes relatives aux psychoses.
Captivant et (relativement) accessible.

Pas Sidney Poitier, P.Everett, Actes Sud


Le titre a tout du poème abracadabrant en trois mots. S'il résume l'histoire d'un Américain pas comme les autres (déjà, il est noir) qui, né d'une mère à l'entendement différent - c'est elle, Madame Poitier, qui trouvera adéquat ce prénom, Pas Sydney, inénarrable (au sens propre) dont son fils (qui ressemble bien entendu comme deux gouttes d'eau à l'acteur non cité) devra s'expliquer tout au long de sa vie (P.Everett développe à propos de ces quiproquos une inventivité proprement déboussolante), verra à l'occasion du décès de cette mère avisée dans le placement financier, sa vie transférée vers le Los Angeles de Ted Turner.
C'est burlesque, extravagant, ça virevolte en une vague survoltée sur fond de critique parfois politique, souvent raciale, toujours philosophique, dans un style insolent et grinçant - mais qui a ses raisons de l'être.

L'oiseau Canadèche, J.Dodge, Cambourakis


Malgré leurs divergences (Jake déteste les clôtures) et son sens limité des responsabilités (le poker et l'alcool), Pépé Jake, ours indocile et dissipé, recueille, contre toute attente, son petit-fils, devenu orphelin à la faveur d'une aile (malencontreusement détachable) de l'avion à réaction de son pilote de père - qu'il ne connut qu'en tant que foetus - et de quelques planches humides sur une jetée, fatales au crâne de sa mère - qu'il ne fréquenta même pas trois ans.
C'est avec une truculence quelque peu surannée que J.Dodge, américain aux fréquentations écologistes et libertaires, croque ses personnages, au travers d'une tendre et malicieuse poésie, personnages parmi lesquels place est autant faite aux humains qu'au sanglier Cloué-Legroin et surtout à l'oiseau Canadèche.
Voilà un court et aimable roman, à l'ambition mesurée, parfaitement traduite par les mots de conclusion d'un Jake au faîte de sa superbe : "Bah, nom d'une pipe, j'aurai été immortel jusqu'à ma mort."

Vengeances, P.Djian, Gallimard


Philippe Djian est l'un de ces rares auteurs français qui retient encore aujourd'hui mon attention, non qu'il soit exempt de défauts, mais plutôt parce que ceux-ci, avec l'habitude, la récurrence et aussi sa manière très narcissique de les assumer, me sont devenus comme familiers, presque personnels.
Depuis quelques années, chez Djian, le héros se prénomme Marc, vieillit avec l'auteur, partage les préoccupations existentielles de qui prend le temps de s'interroger sur la vie, tourne avec constance et plus ou moins de bonheur autour de son nombril.
Avec un style tout en questions, en courtes boucles auto-alimentées, certes parfois proche de l'auto-caricature, mais tellement idiosyncrasique, maîtrisé et comment dire... mû par sa propre puissance, ce Vengeances constitue un Djian plus que remarquable.

Extraits des archives du district, K.Bernard, Attila


A propos de la découverte, par sa caissière préférée, béate devant les avantages manifestes de l'enregistreur vidéo qu'elle vient d'acquérir, le héros souterrain de K.Bernard dit soudain, "à peu près sans réfléchir" et après de longues semaines de silence : "Est-ce qu'il y a quelque part un enregistrement de ce que vous auriez fait si vous n'aviez pas été en train de regarder ce que vous avez raté pendant l'après-midi ?", anéantissant ainsi ses chances - inexistantes - de "progresser de jour en jour vers une sorte de relation".
Solitaire à la vie banale, qui sait que vivre seul ou vieillir n'est pas bon pour lui, l'homme a décidé, pour se distraire, de tenir un journal, écrit avec l'ennui gracieux de l'obsession, la surface glaciale de l'intelligence qui ne peut que s'amuser.
Dans un style à la maîtrise singulière, Bernard, professeur, auteur de pièces d'avant-garde, de poésie et de fiction, décrit, avec qui regarde par le tout petit bout de la lorgnette et l'image frappante et économe un monde à l'étrangeté normalisée, administré et surveillé, à la croisée des univers de T.Gilliam, G.Orwell, G.Perec ou Polyphonic Size.
Une remarquable gourmandise de poivre sec dans un monde à la cohérence douteuse, illustrée d'une couverture signée Marc-Antoine Mathieu.

Platte river, R.Bass, Bourgois


J'avais découvert Rick Bass par la claque vigoureuse d'un de ces épouvantables hivers du Montana conté dans Là où se trouvait la mer et, comme c'est le genre d'expérience où parcimonie se doit de rimer avec chicheté, plusieurs années ont passé avant d'aborder à nouveau de front ce biologiste-géologue-écrivain rude, âpre et ardu, au verbe nourri chez Jim Harrison ou Tom McGuane.
Les trois longues nouvelles qui composent ce recueil observent, sans véritablement les apprivoiser, des humains aux pieds fichés dans un hiver "si rigoureux que des corbeaux tombaient parfois du ciel en plein vol, organes internes apparemment éclatés", vivant en paix relative à l'écart du monde jusqu'à l'arrivée d'un prêcheur et de son épouse esquimaude.
Mémorable.

Roman russe, A.Barbero, Gallimard


Ecrit par un Italien né à Turin en 1959, ce roman russe s'avère... très russe, imprégné de cet immense territoire géopolitique qui, en 1988, découvre, hésitant et maladroit, la glasnost et la perestroïka, où les consignes de transparence et d'ouverture atteignent laborieusement les confins de l'ex-Union et se heurtent à des décennies de réécriture du passé, de compromis en compromission, de disqualification en purge.
C'est dans ce contexte que Tatiana Borisovna, étudiante soucieuse de parfaire sa thèse sur les cadres du parti dans la région de Bakou de 1945 à 1953, mettra à l'épreuve son intégrité et sa persévérance.
Barbero, de l'univers duquel Roman russe est ma première exploration, fournit ici une prose peu avare (plus de 500 pages), épique, passionnante et un brin kafkaïenne, dans la mesure où on arrive plus souvent nulle part qu'à quelque chose.

Comme un chien, D.Arnaut, L'Esperluète


Illustré par les dessins de Guy Prévost, ce premier roman du Liégeois D.Arnaut conte, en deux parties de longueurs inégales, deux rencontres successives, elliptiques et déroutantes, articulées le long d'une logique interne brinquebalante mais touchante.
Popol, mécanicien au garage Fauconnier, fichu à la porte après une engueulade avec son patron, a l'attention retenue par la petite annonce singulière qui promet argent et discrétion à celui qui remettra en état une Triumph TR5. Il rencontre immédiatement le propriétaire mais, en ce qui concerne la voiture elle-même, l'histoire tourne progressivement à En attendant Godot, plus mécanique que philosophique.

Le cuisinier, M.Suter, Bourgois et Points


Je connais peu de romanciers suisses de langue allemande, mais même si j'en fréquentais une palette, Martin Suter figurerait sans nul doute parmi mes préférés. La pureté de son style, la détermination de son choix lexical ont nourri mon plaisir lors de la lecture de ses précédents livres.
Le cuisinier n'est pas en reste, quoique je reste cette fois sur un léger goût, sinon de trop peu, du moins de trop construit.
Il y a, dans l'histoire de Maravan, réfugié tamoul qui se fait entraîner par Andrea, son ex-collègue et cible de ses fantasmes, dans ceux (les fantasmes) plus laborieux et plus sophistiqués de clients très particuliers, un petit quelque chose de factice et d'artificiel qui écorne, corrode même la crédibilité du roman et qui gâche partiellement le plaisir.
Ceci dit, c'est bien écrit.

L'Homme-dé, L.Rhinehart, L'Olivier


Délire brumeux ou rêvé éveillé, cet épais roman paru à l'époque soixant-huitarde des libertés et des utopies, sorte de manifeste de la libération tous azimuts, bâtit sa trame, la développe (et l'use jusqu'à la corde) sur l'idée simple, géniale ou imbécile, selon le point de vue qui consiste à jouer aux dés chaque décision de sa vie, de la plus quotidienne à la plus fondamentale.
Ce roman farfelu pèche bien sûr par son jusqu'au-boutisme parfois lassant, mais ose une remise en cause iconoclaste de nos modes de vie, à travers un traitement d'une originalité rare. Allez, lecteur, prenez vos dés et accordez lui une chance...

L'avenir des libraires

Hier, Le téléphone sonne sur France Inter consacrait son émission à l'avenir des librairies.
Je vous en conseille son écoute... podcastable. Et surtout les propos du libraire parisien (dont je vous ai déjà parlé avec son livre Un libraire en colère).

Les amants de Francfort, M.Quint, Héloïse d'Ormesson


Pourquoi devoir attendre les 40 dernières pages d’un roman pour le trouver enfin intéressant ? Florent et Lena deviennent amants la nuit où un couple est assassiné dans une chambre voisine. On est à la Buchmesse (foire du livre) de Francfort et Florent vient y représenter sa petite édition française. De retour en France, Florent doit supporter Clémence, son ex-épouse, atteinte d’une tumeur au cerveau. Quant au lecteur, lui, doit supporter les longueurs, les états d’âme de Florent et de Clémence et les rétrospectives de la guerre et de l’après-guerre (extrême droite NDP et extrême gauche RAF Bande à Baader-Meinhof), mais la chute vient récompenser sa patience (son impatience ?)

Et deux tentatives désertées de lecture : J'apprends l'hébreu, D.Lachaud, Actes Sud ; J'ai déserté le pays des braves, S.Vinson, Plon.

samedi 23 juillet 2011

Héritage, N.Shakespeare, Grasset


Grâce à la présentation des éditions Actes Sud à Paris, j'ai découvert le nouveau roman de L.Trouillot. Grâce à ce même type de présentation à Bruxelles par les éditions Grasset, j'ai découvert Héritage.
Andy, par un très heureux hasard, va hériter d'une somme colossale. Après avoir bien profité de cet argent, il va se retourner sur l'individu qui lui a fait don de sa fortune et découvrir l'histoire douloureuse et passionnante d'un homme que la vie n'a pas épargné.
Un roman riche, foisonnant, passionnant, drôle et dur à la fois qui m'aura tenue en haleine de bout en bout.

vendredi 22 juillet 2011

Le Turquetto, M.Arditi, Actes Sud


« Il commença le portrait d’un jeune patricien, le bras gauche en appui sur un bloc de marbre rose, dans un laisser-aller qui lui donnait grande allure. Sa main gauche, vêtue d’un gant, en serrait un autre, très chiffonné, et Elie peindrait ses deux gants emmêlés avec tant de finesse qu’ils sembleraient surgir de la toile. (…) Il signa d’un T dans le coin inférieur droit »
T comme Turquetto ou T comme Le Titien à qui a été attribuée la toile « L’homme au gant » ? Elie Soriano est le petit rat juif qui est né un crayon, une plume, un calame, un charbon… dans la main. Il vit à Constantinople mais « l’artiste » est confronté aux religions tant juive que musulmane qui interdisent de reproduire le monde humain, animal et végétal. Il s’expatrie alors à Venise et il entre, grâce à son talent, dans l’atelier du Titien. Il ouvre ensuite boutique et les commandes affluent. Les problèmes surgissent quand la société chrétienne découvre que c’est un juif, certes converti, qui peint ces admirables œuvres religieuses et ces magnifiques madones à l’enfant. Inconcevable !
Arditi écrit comme Le Turquetto peint et c’est une succession de tableaux vivants confrontés au pouvoir et à la religion.
Un très bel opus … captivant !

La faute de goût, C.Lunoir, Actes Sud


Dans la famille de Mathilde, la narratrice, la demeure familiale du côté de Lyon est le lieu incontournable de la fin des vacances où ceux qui peuvent s’y retrouvent. Dans cette ambiance toute de retenue et de non dits, dans une mélodie douce et délassante, sans jugement ni condamnation, on entre dans l’intimité d’une famille bourge aux valeurs immuables, aux rites claniques, aux préjugés conventionnels où personne ne trahit le cérémonial des vacances.
113 petites pages et 17 tableaux dépeignent, dans une langue très agréable, cette atmosphère qui semble être d’un autre temps et pourtant tellement réelle. J’ai beaucoup aimé.

samedi 16 juillet 2011

Les oreilles de Buster, M.Ernestam, Gaïa


Et un bon roman de plus dans cette Rentrée littéraire 2011 !
Ici, Eva, 56 ans, reçoit de sa petite-fille un cahier. Elle va y consigner (et partager avec nous) son histoire, son douloureux passé. Nous surprendre, nous émouvoir et nous faire enrager.
On sait dès le départ qu'elle s'est vengée de sa mère. Mais, pourquoi et comment ?
Epais, dense, tellement vrai !

La Nuit la plus longue, J.L.Burke, Rivages


2005, Katrina dévaste le sud de la Louisiane et laisse une vision apocalyptique de la Nouvelle Orléans. En plus des milliers de noyés, de gens sans toit, de quartiers inondés, il faut compter sur les pillards, les snipers, les prédateurs, les ripoux, les exploiteurs, les petites frappes … qui profitent de la situation. Dave Robicheaux (16ème volume de la série) va devoir élucider le meurtre de deux délinquants noirs. Au-delà d’une enquête extrêmement bien menée dans un suspens haletant, Burke se fait sociologue, ethnologue, psychologue et nous offre un regard très réaliste sur la société américaine, celle du sud, empreinte d’un racisme endémique, à travers une enquête faite de réflexions profondes, d’interrogations et de dialogues aux réparties percutantes.
Excellent roman plus social que polar qui m’a profondément interpellé. Réel coup de cœur qui m’a laissé à bout de souffle avec plein de questions ! Ca pourrait se passer près de chez vous !

PS : nous nous considérons comme des personnes, non racistes, non violentes, non agressives, ouvertes, compréhensives jusqu'au jour où...!
Il suffit de voir les réactions dans les médias sur l'insécurité dans Arlon. Pourquoi ? Tout d'un coup ? Interpellant, non ?

Commentaire de la libraire : le même jour, j'entends un excellent commentaire sur France Inter et je reçois la chronique positive de Léo. Pour moi, c'est un signe : il faut que je lise ce roman.
Je serais toutefois moins enthousiaste. L'intrigue, s'il y en a vraiment une, est très peu haletante et sa conclusion beaucoup trop rapide. Le roman, dans sa globalité, beaucoup trop long selon moi.
Je reste cependant soufflée par la violence décrite : on n'imagine pas dans quels climats dangereux, insécurisants, brutaux peuvent vivre un grand nombre de personnes....

mercredi 13 juillet 2011

Le premier été, A.Percin, Le Rouergue


Que s'est-il passé de si terrible durant cet été que la plus jeune de deux soeurs en soit encore traumatisée des années plus tard ?
Un drame indicible qu'elle ne dévoilera qu'à la mort de ses grands-parents, lorsqu'il faudra vider leur maison.
Un roman tissé d'une vive tension, où l'angoisse de la révélation monte au fil des pages jusqu'au dénouement plus dramatique encore.

Le tableau volé, P.Aspe, Albin Michel


Et c’est parti pour la 8ème enquête de l’inspecteur Van In (lire les comptes-rendus des 7 premières sur http://leoalu.blogspot.com). On retrouve avec plaisir Pieter et Hannelore presqu’à la veille de l’exposition dédiée à « Guernica » de Picasso à Bruges. Un gardien de musée agressé et puis tué, le vol du « Jugement dernier » de Jérôme Bosch, la crainte d’un attentat de la part de l’ETA… et voilà l’inspecteur et la jeune et jolie juge sur les dents. Les verres de Duvel se succèdent toujours et Van In fume toujours autant. Comment fera-t-il quand la loi anti-tabac sera d’application ? Ah oui, Aspe est enfin passé aux euros ! Les polars sans prétention de Aspe ont le don de me récréer.

mardi 12 juillet 2011

L'étoile de Strindberg, J.Wallentin, Fleuve Noir


Erik Hall, plongeur suédois, découvre le cadavre bien conservé d’un homme au fond d’une vieille mine de cuivre inondée. Dans ses mains, il y a une croix ansée que le plongeur remonte à la surface. Hall insiste pour que Don Titelman, historien versé dans l’occultisme et la mythologie, voie cette croix mais celle-ci est recherchée par une étrange société secrète allemande prête à tout pour la récupérer. Le personnage de Titelman est une espèce d’anti-héros toxicomane auquel on ne s’identifie pas, ni aux autres personnages atypiques d’ailleurs. Ce roman n’est ni attachant, ni palpitant, avec ses longueurs qui n’apportent rien à l’intrigue et une fin qui n’a ni queue ni tête et qui échoue dans une chute surréaliste décevante. Le charme suédois n’a pas fonctionné cette fois-ci.

samedi 9 juillet 2011

Retour à Killybegs, S.Chalandon, Grasset

Pendant de Mon traître (roman écrit par S.Chalandon en 2008), Retour à Killybegs raconte cette même histoire de trahison vue, cette fois, du côté du traître.
Pour moi, c'est surtout un roman sur la Guerre entre l'Irlande et l'Angleterre, qui a meurtri ces deux pays durant des décennies. Une guerre à n'y rien comprendre, si ce n'est une obstination butée, une violence qui semble sans raison et un gâchis humain injustifiable.
Triste conflit ! Roman touchant et instructif !
Commentaire reçu à mon adresse mail : A l'inverse, ce roman est l'histoire de la vie d'un homme. Son enfance, sa vie, son combat, sa trahison, sa mort parmi les siens. Une guerre à comprendre, une obstination vitale, une violence justifiée. D'ailleurs, les combattants d'alors, les prisonniers d'alors, les terroristes d'alors sont aujourd'hui ministres.
Ce conflit n'est pas triste, il a été épouvantable. Ce roman n'est pas touchant, il est vertigineux.
Et puis il n'instruit pas. Simplement, il raconte.
Vous vous ferez votre propre opinion en le lisant...

jeudi 7 juillet 2011

Embrasez-moi, E.Holder, Le Dilettante

Dommage que je n'ai pu repiquer le visuel de ce roman car la couverture est très réussie et alléchante...
Recueil de nouvelles dites coquines : présenté comme cela, j'ai évidemment été tentée de le lire. Je dois malheureusement être bien plus coquine que l'auteur car ce livre m'a trop peu émoustillée.

Le retoucheur, D.Stakhov, Actes Sud


Tout comme son grand-père et son père, Heinrich Heinrichovitch Miller est photographe et retoucheur. Il aurait également hérité du don : les personnages supprimés des négatifs retouchés perdent alors la vie. Alors, don ou coïncidences? Nous sommes à Moscou dans une atmosphère de FSB (ex KGB, ex MGB, ex NKVD). Ce récit au narrateur « je » débute par une longue mise en bouche suivie d’un scénario au tempo lent et troublant. Heinrich est un personnage froid et indifférent qu’on suit jusqu’au bout parce qu’on veut savoir et on ne peut jamais deviner qui sont les bons, qui sont les mauvais… mais y en a-t-il de bons ? Ce roman noir est quelque peu décaféiné par les considérations personnelles de Heinrich sur la vie, l’amour, le destin, la société. La clé du roman ? « Tout le monde est toujours manipulé ». La perestroïka et la glasnost auraient-elles vraiment apporté la transparence ? Spécial !

Moonlight mile, D.Lehane, Rivages


On avait presque perdu de vue le duo Patrick Kenzie et Angela Gennaro. Ils nous reviennent : les deux comparses vivent ensemble, ont une petite fille de 4 ans, Gabriella. Tous deux ont abandonné leur agence de privés. Ange a repris des études et Patrick travaille de façon temporaire dans une société de surveillance. Autant dire que les factures impayées s’accumulent et que c’est la crise financière pour le couple, et avec ça, Patrick parvient une fois de plus à s’immiscer dans une enquête des plus foireuses (voir « Gone, Baby gone ») mais Patrick n’a qu’une parole et …C’est sans doute pas le meilleur de Lehane mais on rentre dans le social américain et le suspense est là. Promis, juré !