Les avis d'une libraire-lectrice

J'ai la prétention de dire que je lis, en moyenne, 4 romans par semaine. A travers ce blog, vous pourrez vérifier si je n'exagère pas car je vais y mettre tout ce que je lis : romans, albums jeunesse, BD,... Dévoré, apprécié ou vite abandonné, chaque livre fera l'objet d'un petit commentaire.

samedi 22 mai 2010

Le rêve du collectionneur, P.Furlan, Au vent des Iles


Le Rêve du collectionneur raconte deux destins antinomiques. D’un côté, l’histoire d’un inventeur néo-zélandais qui fait fortune grâce à ses inventions et à son esprit d’entreprise. De l’autre, celle de son fils, Will Bodmin, qui court d’échec en échec.
Le premier est autodidacte; le second, nourri à la psychanalyse. Artiste contrarié, Will devient art-thérapeute jungien et grand collectionneur. Surtout, il va s’évertuer à ne pas vivre, à ne pas créer et à ne pas aimer, incapable de voir que ses deux grandes quêtes, la pièce maîtresse de sa collection et la femme de sa vie, sont là, tout près de lui.
Par le biais de la collection de Will Bodmin, c’est toute l’histoire de la Nouvelle-Zélande qu’on découvre avec un plaisir étonné. C’est aussi une réflexion sur la psychanalyse, abordée par sa face jungienne, et sur le mauvais usage que certains peuvent en faire quand elle est dévoyée. Car ce qui devrait éclairer Will l’aveugle – et n’est-ce pas ce dont nous sommes tous menacés un jour ou l’autre? Et puis, surtout, il y a cette obstination chez Will à ne pas saisir le bonheur et à puiser dans les rêves un sens à une vie qui en semble dénuée.
Il y aurait beaucoup à dire sur la construction, organisation complexe mais qui ne décourage jamais, et un style qui parle à la tête comme aux sens, abreuvé très naturellement à deux cultures, la française et l’anglo-saxonne (car l’auteur est aussi traducteur, notamment de Russel Banks, de Thomas Savage et d’Alan Duff, voir ci-dessous). Orphelin dans l’âme parce que fils dédaigné d’un père narcissique à l’excès, Will restera un enfant, comme de nombreux personnages de ce roman original. C’est chez sa nièce, une des seules vraies adultes malgré son nom tiré de Peter Pan (Tinkerbell, alias Fée Clochette), que le narrateur, double de l’auteur, rassemble les lettres et les documents qui l’aident à composer la biographie impossible que nous avons sous les yeux.
Pierre Furlan fait de son anti-héros touchant un être proche, un père, un frère, un autre soi, quelqu’un qui nous chuchote : Que fais-tu de ta vie ? Tes rêves te disent-ils ce que tu crois qu’ils te disent ? Ne cours-tu pas après des chimères ? Qui aimes-tu vraiment ? Ne t’aveugles-tu pas sur le sens de tout ?
Du même auteur : L’Invasion des nuages pâles, Les Dents de lait du dragon, La Tentation américaine, L’Atelier de Barbe-Bleue (Actes Sud) et Le Violon de Soutter (Esperluète)

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