Les avis d'une libraire-lectrice

J'ai la prétention de dire que je lis, en moyenne, 4 romans par semaine. A travers ce blog, vous pourrez vérifier si je n'exagère pas car je vais y mettre tout ce que je lis : romans, albums jeunesse, BD,... Dévoré, apprécié ou vite abandonné, chaque livre fera l'objet d'un petit commentaire.

mercredi 23 décembre 2009

Paradis noirs, P.Jourde, Gallimard


J'ai découvert Pierre Jourde avec les critiques intelligentes, hilarantes et salutaires qu'il a signées dans Le Jourde et Naulleau. Depuis, je me délecte à la lecture de son blog, Confitures de culture, sur BibliObs, où il parle de l'état de la culture et de la littérature. Me restait à aller voir par moi-même si la plume de l'auteur me séduisait autant que celle du critique.
J'ai commencé avec Paradis noirs, et dès les premières pages j'ai su que je découvrais un univers qui allait m'enchanter. Nous sommes dans les premiers jours de novembre. Assis dans un train, le narrateur, écrivain dans la quarantaine, contemple sur le quai la silhouette toute dégoulinante de pluie de François, camarade de collège perdu de vue depuis vingt ans. "Impossible!" lui dit Boris, un peu plus tard, lorsqu'il lui rapporte cette anecdote. "François est mort depuis plusieurs années!"
Commence pour le narrateur une longue exploration des souvenirs, à la faveur des brumes de novembre, des longues conversations avec Boris, de ses rêves tentaculaires et des mystères de l'écriture. Remontant le temps, il fait revivre pour nous son ancien collège chez les Frères et tout l'univers des petites gens à la campagne après-guerre, avant la grande uniformisation par la modernité.
Livre de la mémoire et sur la mémoire, Paradis noirs s'attache aussi à montrer comment des adolescents intelligents et cultivés peuvent prendre un bouc-émissaire et se livrer à son égard à toutes les violences et à toutes les cruautés... et comment ils s'arrangeront plus ou moins bien avec leur sentiment de culpabilité dans leur vie adulte.
Cet univers de brumes, de noirceurs et de feuilles mortes est servi par une langue magistrale et des mises en abîmes complexes qu'on prend plaisir à suivre de palier en palier, plongeant toujours plus loin dans les eaux sombres de la conscience.

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