C’est toujours un plaisir de redécouvrir l’art de la description des auteurs américains. Ici, le paysage devient un personnage, l’adjectif se fait verbe, la préposition dispose les choses avec précision. Charles Frazier (Retour à Cold Mountain) nous conte une Amérique des Sixties avec les germes des paradoxes qui étonneront tellement l’Européen. D’un côté, une nature proche, envoûtante, dangereuse; de l’autre le matérialisme des objets qui sentent le gazole, la rouille et la poudre. Un récit proche du triller en équilibre entre deux époques : un luxe révolu d’avant guerre et une modernité à apprivoiser ... ou à fuir, déjà.
Stubblefield apprit, à son grand désarroi, que Luce avait très peu d’argent liquide. Presque tout ce qu’on pouvait acheter avec, elle n’en voulait pas. Elle se passait aisément de tout le confort moderne, ses désirs étant surtout peu réalistes et non chiffrables en dollars.
« Ce que je désire le plus, dit Luce, c’est pouvoir imiter le chant de tous les oiseaux des environs.»
A cet instant précis, Stubblefield crut déceler une forme d’humour dont il faisait les frais.
« Et la télévision? demanda-t-il. Voilà une chose que l’argent peut acheter. Tu aimerais sans doute Paladin. Lui aussi est parfois sacrément caustique.
— J’ai la radio, répondit Luce. Et puis, reprit-elle, si on commence à trop désirer certaines choses, on a besoin de plus en plus d’argent.»
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