Les avis d'une libraire-lectrice

J'ai la prétention de dire que je lis, en moyenne, 4 romans par semaine. A travers ce blog, vous pourrez vérifier si je n'exagère pas car je vais y mettre tout ce que je lis : romans, albums jeunesse, BD,... Dévoré, apprécié ou vite abandonné, chaque livre fera l'objet d'un petit commentaire.

mardi 30 juillet 2013

Compagnie K, W.March, Gallmeister


En vacances non loin de Sainte Mère l’'Eglise et d’'Utah Beach, je me suis dit qu’'une lecture de récit de guerre était de circonstance. Ecrit en 1933, Compagnie K est d'’abord un hymne à la paix. Construit comme un kaléidoscope de  plus d'une centaine de courts récits de soldats, le livre emporte le lecteur dans l’'universalité de la bêtise de tous les conflits qui traversent l'’histoire de l’'humanité. Très vite, au fil de ces courtes nouvelles, on ne sait plus si on se trouve durant la première ou la seconde guerre mondiale, au Vietnam, en Corée ou sur un champ de bataille napoléonien.
Ce livre dépasse le belliqueux pour parler d'’hommes pris dans la tourmente d'’un siècle, dans l'’épouvante d'’une seconde. Proche des Histoires de guerre d'’Hugo Pratt, ce recueil m’'a particulièrement touché car il convoque le libre arbitre du lecteur, lui laisse la possibilité de lire entre les lignes de front, 'l’invite (sans illusion aucune) à rester sur ses gardes. Merci aux éditions Gallmeister d'éditer, pour la première fois en français, ce récit ô combien important. C'est-là, loin des fanfaronnades, un réel acte de mémoire.

La liste de Freud, G.Smilevski, Belfond

1938, Sigmund Freud décide de fuir Vienne pour Londres et ainsi échapper à la menace des antisémites allemands. Il peut dresser la liste des personnes qui pourront l'accompagner : sa femme Martha ; sa fille Anna ; Minna, sa belle-soeur ; ses domestiques et son chien. Il ignore complètement ses quatre soeurs qui devront rester à Vienne et qui seront finalement déportées au camp de Theresienstadt. Quant à Freud, il mourra à Londres de son cancer de la gorge. La suite, c'est essentiellement le récit de la vie d'Adolphine, la 4ème soeur, la mal aimée, celle dont la mère dit qu'elle n'aurait jamais dû naître. Elle nous raconte son enfance, son adolescence, sa vie de femme, ses relations avec Sigmund, son frère et celles avec ses amies. Les thèmes du féminisme, de la sexualité, de la religion, de la philosophie, de la psychanalyse et surtout de la folie seront abordés. C'est un livre impossible à lâcher tant il est passionnant. Coup de coeur !

Abbesses, H.Clerc-Murgier, J.Chambon

Où il est question de meurtres rituels, d'ésotérisme, d'alchimie, de cercles secrets, de Rose-Croix, de disparitions, des secrets de l'abbaye des bénédictines de Montmartre et autres mystères. Où le lecteur peut suivre pas à pas l'enquête du lieutenant criminel de la prévôté de Paris, Jacques Chevassut, pour résoudre cette sulfureuse affaire. 
Sans doute l'intrigue est plutôt mince et lente mais elle a le grand mérite de nous plonger dans le Paris du XVIIè. Le style est agréable et la langue soignée qui vous fait croire que vous vivez à l'époque de Marie de Médicis. Vous circulez, en carrosse, en calèche, à cheval et à pied dans les rues de la capitale en regardant négoces et monuments et tout cela vous complait. Vous vous remémorez ainsi « Paris, ma bonne ville » de Robert Merle (1980) et vous prenez plaisir à entrer à nouveau dans un récit très plaisant. Agréable moment !

combien veux-tu m'épouser ?, S.Azzeddine, Grasset

Tatiana est une jeune et riche « bécasse », sentimentale et une « pintade » idéaliste de 28 ans. Elle ne fait pas partie de ces nouveaux riches mais de ces nouvellement riches. Durant ses vacances sur une île privée des Seychelles, elle fait la connaissance fortuite de Philip qui l'a prise pour un poisson perroquet. « Idylle » et puis tous les projets de mariage sont permis en respectant tous les usages snobs des people. Dommage, Philip n'est pas noble, n'a pas ni de « de », ni de « Van », ni de « Von », ni de « Della », mais il fera l'affaire parce qu'il est beau, intéressant, amoureux et empressé et il connaît les usages? !. 
Un roman typiquement féminin qui trouve son charme dans une écriture fine qui alterne les sentiments, les ressentiments, les émotions de chacun : la mère, le père, la soeur, les amies, le promis, la gouvernante. C'est léger mais avec quelques réflexions fines, cinglantes et pointues sur cette société et le couple : «  Les pauvres doivent s'habiller pour ne pas avoir froid tandis que les riches doivent s'habiller pour être élégants. » Alors, mariage ou enterrement ? VIP ! Chez ces gens-là , Monsieur? ! Très plaisant !

7 jours, D.Meyer, Seuil

On croyait l'affaire classée mais le meurtre de l'avocate d'affaires, Hanneke Sloet, revient à la une de l'actualité : un sniper exige que la police arrête le meurtrier sous peine de blesser/tuer un policier tous les jours. Il affirme que la police a étouffé l'affaire parce qu'elle connaît le meurtrier mais la police, elle, n'a aucune piste. Commencent alors les premières atteintes de policiers. Sniper, politique politicienne, finances et corruption, alcoolisme, soucis personnels sont en quelque sorte les mots-clés de ce polar exotique. Un bon policier classique avec une intrique bien menée et resserrée au jour le jour mais il faudra attendre la fin pour que tout s'emballe enfin.

L'ultime secret du Christ, J.R.Dos Santos, HC

A travers une enquête sur des meurtres rituels d'éminents scientifiques, l'inspecteur Valentina Ferro, inspectrice de la PJ de Rome, requiert l'aide de Tomàs Noronha, historien et cryptologue portugais, pour résoudre les différentes énigmes liées aux meurtres. 
C'est l'occasion pour Dos Santos (voir La formule de Dieu), à travers son personnage Tomàs, de distiller un certain nombre de « révélations » sur la transmission des manuscrits, le personnage Jésus, sa judaïté et sa divinité, la virginité de Marie, la paternité de Joseph, la résurrection, la Trinité ; face à une Valentina absolument naïve : révélations pas bien neuves pour qui s'est déjà penché sur le sujet. 
L'ensemble du récit est historique et scientifique, instructif et passionnant. Dos Santos a le mérite de remettre en place certaines « croyances chrétiennes » traditionnelles et primaires et de dépoussiérer ainsi à grands coups d'arguments les « mythes, mystères et dogmes » religieux. Si la religion est une invention des hommes, la foi est une affaire personnelle mais une foi sans connaissance est une fois aveugle. On peut être déiste, profane et penser par soi-même. Bien que la chute de l'intrigue soit quelque peu décevante, j'ai passé un excellent moment de lecture.

La sauvage, J.Fagan, Métailié


La « Sauvage », Anais Hendricks, ado rebelle de 15 ans, intègre le Panopticon, un centre pour ados difficiles, suspectée d'avoir entraîné le coma d'une policière. Anais, la narratrice, est un personnage troublant, blessé, paranoïaque, psychotique, insoumis, drogué, tantôt violent, tantôt sensible. Son lourd passé l'accable : 51 placements et une liste interminable de délits. Elle risque le centre fermé jusqu'à ses 18 ans. « La sauvage », c'est aussi la vie dans les centres pour délinquants avec ses éducateurs, ses lois internes et la cohabitation avec d'autres adolescents difficiles, perturbés, déséquilibrés ou déstabilisés. Mais, que peut encore leur apporter la société pour les y intégrer ? Roman « sensible » mais dur !

Rentrée littéraire 09/2013





Durant mes vacances, j'ai lu :
Trembler te va si bien, R.Wataya, Picquier. Pourquoi pas ?
Pas assez pour faire une femme, J.Benameur, T.Magnier. A lire. Autant pour les grands ados que pour les adultes.  
La grâce des brigands, V.Ovaldé, L'Olivier. J'aime vraiment son écriture. 
Le premier vrai mensonge, M.Mander, Presses de la Cité. Pas vraiment.

Je n'ai pas terminé :
La femme à 1000°, Hallgrimur Helgason, Presses de la Cité.

samedi 6 juillet 2013

Chambre 2, J.Bonnie, Belfond

Alternant les chapitres entre sa vie passée en tant que danseuse nue et sa vie actuelle comme auxiliaire de puériculture dans une maternité, Béatrice se raconte en tant que femme, en tant que mère et raconte les femmes et les mères. Beaucoup de souffrances, de douleurs, physiques et mentales, sur les corps et dans les têtes et pourtant un beau roman.

Défense de tuer, L.Penny, Actes Sud


L'’inspecteur-chef des homicides Armand Gamache et son épouse passent quelques jours de vacances au Manoir Bellechasse, Québec, au bord du lac Massawippi, pour y fêter leur 35è anniversaire de mariage. Ils partagent l'’auberge avec toute la famille Finney-Marrow. Il faudra attendre la page 116 pour que l’'on trouve un cadavre. Ce policier classique (pas un polar) est tout empreint d'’une atmosphère d'’abord calme, puis lourde, pesante comme la chaleur qui vous tombe sur le dos juste avant l’'orage. Dans ce coin reculé, pas de signal GSM, encore moins de connexion Internet ; il faudra donc enquêter à l’'ancienne : pas de police scientifique, ni d’'experts, ni de profiler non plus ; juste des policiers et des interrogatoires ! L'’inspecteur Gamache ne se départit jamais de son flegme face à la famille Finney-Morrow, imbue d'’elle-même , au cynisme hypocrite et aux sarcasmes amers, tout en respectant les convenances et les règles de bienséance. Enfin un excellent policier traditionnel et original à la fois qui nous plonge dans un huis clos à la psychologie extrêmement fine, loin des polars nordiques et US. C’est un très bon moment à passer !

vendredi 5 juillet 2013

La 5e saison, M.Kallentoft, Seuil

Cinquième volet des enquêtes de l'inspectrice Malin Fors de la Crim de Linköping commencées avec Hiver (Le serpent à plumes, 2009). Malin et son équipe sont confrontés à la découverte du cadavre sauvagement mutilé d'une jeune fille, dans un bois. Toujours obnubilée par l'affaire Maria Murvall, quelques années plus tôt, et qui est restée sans solution (voir Hiver), Malin se lance à corps perdu dans l'enquête qui semble avoir des ramifications avec celle de Maria. D'autres corps sont également retrouvés et toujours aussi mutilés. Qui est ce démon, le Mal, qui prend plaisir à tuer et à torturer ses victimes ? Plus on a de pouvoir et plus on se sent intouchable ! L'enquête avance lentement parce qu'il y a très/trop peu d'indices et puis cela démarre très fort. L'auteur joue avec nos nerfs et continue à insérer, en italique, les pensées des victimes : sa touche originale. Suspens ! et encore un bon polar suédois !

Rien, E.Venet, Verdier

Pendant presque tout le livre, j'aurais pu croire qu'on avait glissé dans cette couverture jaune un autre texte que celui annoncé sur la quatrième de couverture (un couple ensemble depuis vingt ans qui revient sur son histoire et son amour). Mais, les vingt dernières pages expliquent tout et l'état d'esprit et le ressenti du narrateur sur sa vie et son couple m'ont explosé à la figure avec un talent impressionnant. A lire dès la Rentrée.